dimanche 29 janvier 2012

HENRY MILLER


« La cause n’est rien, l’événement est tout. Au commencement était le Verbe… Quoi qu’il pût être ce Verbe, maladie ou création, il se poursuivait, son cours furieux ; il poursuivait sa course, dépouillant le temps et l’espace, survivant aux anges, détrônant Dieu, décrochant l’univers de son clou. N’importe quel mot contient tous les mots, pour qui est parvenu au détachement par les voies de l’amour, de la douleur ou pour tout autre cause. A travers chaque mort, le courant remonte jusqu’à la source perdue qu’on ne retrouvera jamais, puisqu’il n’y ni commencement, ni fin, mais seulement ce qui s’exprime en tant que commencement et fin. »

Henry Miller -  Tropique du Capricorne

Tout Henry Miller dans une longue tirade ; sa verve, sa fluidité lexicale, sa liberté idéologique, sa passion, son dégoût du monde mais sa croyance en la liberté, au rêve… sa nostalgie, son érudition, son mysticisme… cette écriture est la plus fluide, la plus incandescente, coulante de l’histoire de la littérature. Miller aimait par-dessus tout baiser et se raconter… et surtout se raconter baiser !! Même si je préfère quand il parle d’art ou de philosophie, Miller est l’écrivain qui parle le mieux du foutre ! Laisser couler ! « J’aime tout ce qui coule » (Tropique du Cancer)… Henry Miller est mon écrivain fétiche. Mon influence majeure, mon Gautama… comment en parler en des termes assez dignes ? Chaque fois que je lis unes de ses phrases, je me fais littéralement happer dans son monde… Il est mon guide, lire son oeuvre constitue un parcours initiatique pour moi. Il décrit le monde comme personne, il est le seul auteur capable de restituer la vitesse de la pensée, au fil de son déroulement. Sans fausses notes, sans accros, il nous enivre de sa musique verbale. Henry Miller est un vieux sage racontant des histoires, enseignant des préceptes… Généreux, d’une verve inimitable, passionné, grandiloquent… capable de disserter si longuement sur toute chose l’intéressant. Il me guide dans mes lectures, dans mes errances quotidiennes, dans mon rapport à l’art, au monde, au savoir, à l’amour, à la vie, à la religion… Il me rassure et m’encourage !

« Nexus » par exemple est le livre ultime sur le rapport à la création, sur les difficultés de l’écrivain, ses difficultés avec lui-même, avec les autres, avec le monde, avec son travail : la peur de se lancer, l’envie et les idées qui fusent alors que l’on arrive rien à fixer sur papier. Les espoirs et les déceptions de l’écrivain, ses aspirations, ses inspirations, sa respiration. Miller a saisi le souffle de l’énergie vitale, la nécessité de s’accrocher à ses rêves comme personne avant lui.

C’était un rêveur sensible ? Un profiteur ? Un égocentrique de première ? Un obsédé du cul ? Peu importe, le monde avait besoin de lui… de sa passion, de sa foi inébranlable, de son obstination… gloire à ce grand jouisseur mystique ! Lui qui avait tout lu, été si attiré par les religions, la matière et le corps… il voulait à tout prix cerner l’aventure humaine dans son ensemble… Il nous a offert l’observation la plus lucide de l’homme du vingtième siècle… dans ses doutes, ses paradoxes, sa folie, sa grandeur et sa décadence. Henry Miller est aussi le meilleur critique littéraire et artistique, le plus passionné, il peut donner envie de lire n’importe quel auteur… Je lis ce mec avec la même passion qu’il lisait Rimbaud ou Dostoïevski…
Puissant, violent, provocateur, lyrique et percutant… il a sondé le malheur occidental avec une acuité toute particulière. Cet éternel nostalgique qui refusait d’être américain, qui voulait fuir son pays d’origine. Il a vite compris la frêle assise de ce mythe sans identité, de cet empire sans fondements.

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